C'est une annonce en forme de cadeau de Noël. Le prochain artiste qui œuvrera à Versailles sera donc Anish Kapoor, artiste londonien né à Bombay en 1954 et chercheur de formes dont le syncrétisme sensuel donne naissance à des visions à la fois nouvelles et curieusement universelles.
Les grands musées et les institutions internationales lui ont déjà donné carte blanche, de la Royal Academy of Arts de Londres au Guggenheim de Berlin (spectaculaire grotte de Memory en 2008) et au Museo Guggenheim de Bilbao, de la dernière Biennale de Venise aux Rencontres d'Arles 2013. Anish Kapoor travaille depuis le printemps dernier sur son royal projet depuis son atelier-laboratoire de Londres où, entre machines à couler le béton le plus fluide et bibliothèque ésotérique d'érudit, la philosophie le dispute à la science, la métaphysique à la matière. Il est revenu en septembre à Versailles pour le reconsidérer in situ.
De mi-juin à fin octobre 2015, ce médidatif de l'art, toujours partagé entre malice et sourde angoisse, prendra donc la succession de l'artiste coréen Lee Ufan qui a séduit, l'été dernier, le public de Versailles par son jeu minimaliste de pierres, d'ombres et d'acier. Là encore, c'est Alfred Pacquement, ancien directeur du MNAM (Musée national d'art moderne) au Centre Pompidou, qui sera commissaire de l'exposition «Kapoor Versailles». Jean de Loisy, désormais PDG du Palais de Tokyo, était le commissaire de celle de la Royal Academy of Arts et de son Monumenta 2011.
Défi technique
Là encore, ce sera Kamel Mennour, le galeriste parisien de Lee Ufan et d'Anish Kapoor, qui, avec les autres galeristes de l'artiste, assurera logistisque, soutien artistique et suivi du mécénat sans lequel ces grandes expositions n'auraient pas lieu. À noter que Kamel Mennour est aussi le galeriste de Huang Yong Ping, l'artiste chinois installé à Paris et vrai «Magicien de la Terre» qui oeuvrera au Grand Palais pour le «Monumenta» de 2016. On se souvient du défi technique immense que représenta son Leviathan au Grand Palais.
«Une chose est sûre: Anish Kapoor n'interviendra qu'à l'extérieur du château. Il ne veut pas dévoiler encore son projet mais il nous réserve de belles surprises, du Bosquet de l'Étoile où Giuseppe Penone et Lee Ufan ont fait merveilles, à un tout nouveau site qui n'a encore jamais été utilisé par un artiste à Versailles», confie au Figaro Catherine Pégard, présidente de l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles. «Je connais Anish Kapoor depuis Monumenta, lorsque je suivais son projet depuis l'Elysée. Je l'ai souvent revu depuis, c'est un artiste passionnant, étonnant et profond. Nous avons longuement discuté de Versailles et sa vision m'a convaincue. Juste avant Noël, je suis allée visiter son atelier à Londres et poursuivre notre conversation pour préparer au mieux l'été 2015», nous confie Catherine Pégard qui entend garder l'art contemporain dans la ligne droite du patrimoine respecté et valorisé.
Mirage à la Kubrick
Aucun coût n'est divulgué. «La quête des mécènes a déjà bien commencé, nous dit simplement la présidente du Château qui garde, de ses années politiques, le goût de la prudence. Cette quête vitale n'inclut pas - pour l'instant - ArcelorMittal, l'entreprise du l'industriel indien Lakshmi Mittal qui a financé ArcelorMittal Orbit, tour échevelée et fort controversée de 114,5 m dans le Parc olympique de Stratford à Londres en 2012.
La formule du succès? Star de la scène internationale, ce fou d'expériences et d'espace est synonyme de fréquentation record à Paris avec son Monumenta qui a fasciné tous les photographes de la planète (280 000 visiteurs). Attention, mirage à la Kubrick! En 2011, l'artiste avait gonflé 72 000 m3 d'air captif dans sa mégastructure d'un sombre rouge violine et l'avait posée en Martienne sous l'immense verrière du Grand Palais. Sous les rondeurs futuristes se nichait une caverne titanesque pour un retour au cri primal. Passé le sas qui limitait l'entrée à 150 personnes, la vision du soleil à travers l'épaisse paroi de 27 000 m2 de PVC donnait l'illusion d'être un foetus dans le ventre de sa mère. Cet énorme Leviathan jouait de son extérieur rassurant comme le jouet perdu par un Cyclope, et de son ventre obscur aux rondeurs de Vénus préhistorique. Wait and see, donc.